jeudi 3 mars 2011

Lantang... le voyage extérieur

Premier trek au Népal depuis 1986. Bien que je sois venu de nombreuses fois depuis, c’était dans le cadre du travail, donc pas le temps requis pour ce type d’activité. Je me sens d’attaque, mais avant tout, je dois décider si je transporte tout mon bagage où si j’embauche un porteur? Il fera assurément froid, il est encore tôt en saison et je monterai à plus de 4000 mètres. J’aurai donc besoin de beaucoup de vêtements chauds. Cela dit, je coucherai dans des lodges, qui, pour la plupart, offrent un confort semblable aux refuges des sentiers pédestres ou de ski de fond du Québec (sans chauffage cependant, mais avec des couvertes!), donc pas de stock de camping et peu ou pas de nourriture.

Je décide finalement de tester le tout par une (relativement) courte randonnée dans les montagnes du Langtang Himal. Je choisis de partir seul, sans porteur ni guide, histoire d’être plus libre de mes mouvements et de ne pas avoir à négocier ou à m’expliquer quant au temps de départ, au nombre d’heures de marche, aux arrêts,… et voir ce dont je suis capable. J’irai lentement, parcourant en 10 jours ce que les livres suggèrent se fait en 7 ou 8 jours.

Je fais tous les achats requis à Katmandou, car j’ai tout renvoyé on linge chaud à Montréal en octobre dernier. J’essaie de ne pas être trop chargé, mais je ne sais pas exactement ce qui m’attend. On me dit que la température devrait être élevée le jour et qu’il n’y aura pas de neige à ce temps de l’année, outre sur les sommets des montagnes qui m’entoureront. On verra bien…

Je quitte donc un beau matin de la mi-février pour un mémorable voyage d’autobus qui franchira les 150 kilomètres me séparant de Syabrubesi, le point de départ de la rando,… en 10 heures! Voyage plutôt pénible, mais c’est le prix à payer. Je suis accompagné d’un couple de jeunes britanniques, Matt et Rachel. Ils sont très sympathiques, et eux, de l’équipement, ils en ont. Matt travaille à temps partiel dans un magasin de plein air, et il achète toutes les nouveautés sur le marché. Ils semblent les deux fins prêts, et je me demande si j’arriverai à les suivre, bien qu’il n’y ait pas d’engagement de part et d’autre.


Syabrubesi possède le charme de ces petits villages de montagne qui sont à la fois le bout de la route et le début du sentier. On y sent une certaine fébrilité de la part des randonneurs qui entameront la piste le lendemain et le mélange de fatigue, de fierté et de sérénité qui règne autour de ceux qui en sont revenus. J’ai très hâte de partir, mais curieusement, mon estomac ne partage pas mon enthousiasme. Le Dahl Bhat mangé il y a quelques heures ne passe pas bien. Je vous éviterai les détails, mais après une nuit mouvementée, je décide de reporter mon départ d’une journée et je passerai l’essentiel de mon temps à dormir.

Je me sens mieux le lendemain quoique un peu faible, mais pas question de retarder le départ. En fin de journée, on n’aura fait que la moitié de la distance suggérée par la Bible - le Lonely Planet « Trekking in the Nepal Himalaya - mais je trouve que c’est bien assez. Le paysage est agréable, mais pas dramatique. On se croirait dans l’ouest canadien, avec de nombreux conifères et des parois rocheuses plutôt abruptes. La deuxième journée on ne marchera que moins de trois heures et mes amis ont de la difficulté à trouver un bon rythme. Je me trouve à les attendre fréquemment. C’est bon pour l’égo, mais l’égo n’a pas sa place ici. Les bienfaits du plein air se font déjà sentir, je commence à me détendre et à apprécier chaque moment.

En début d’après-midi il commence à pleuvoir, puis à grêler. Je passerai la journée à placoter avec les gens qui se trouvent au lodge et à regarder le ciel changer de couleur aux 10 minutes. Il y a peu de gens sur le sentier. Tout d’abord, la région ne reçoit qu’une fraction des randonneurs qui viennent au Népal chaque année. On parle de 100 000 marcheurs vers le camp de base de l’Everest, 60 000 dans la région de l’Annapurna contre seulement 5 000 au Langtang. De plus on est encore hors saison. Octobre-novembre est de loin la période la plus populaire, suivi de mars-avril. Durant tout le trek, il n’y aura jamais plus de quatre étrangers dans les endroits où je loge et parfois je serai seul.

Surprise, le lendemain matin, il neige légèrement. Deuxième surprise, mes compagnons m’annoncent qu’ils redescendent. C’est vrai que ça s’annonce un peu plus costaud qu’anticipé. S’il neige ici à 2 400 mètres, il y aura certainement encore plus de neige en altitude. Bon, c’est pas un peu de neige qui va m’arrêter, alors je poursuis ma route seul. Le sentier devient de plus en plus difficile, la neige s’accumulant rapidement. Je décide donc d’arrêter vers 13 heures et d’attendre que la tempête s’essoufle. Pas de répit de la journée, le soir venu il y a au moins 20 cm au sol. Je m’endors donc sans trop savoir ce qui m’attendra le lendemain.

Le matin suivant, je suis réveillé par une lumière éblouissante qui illumine ma petite chambre. Il fait un temps splendide. Le ciel est d’un bleu azur et le reste du paysage est drapé de blanc. Ce serait une magnifique journée de ski de fond, mais il faudra plutôt marcher. Pendant deux jours je monterai dans la neige jusqu’au dernier village à 3850 mètres. Le spectacle est magnifique, les couleurs étincelantes et la sensation enivrante. Je me sens extraordinairement bien. Je resterai à Kyanjin Gompa 2 ½ jours et je monterai jusqu’à 4 700 mètres.

Assis, seul au sommet de Kianjin Ri, je me sens privilégié. Il y a des moments où tout semble parfait et les mots ne suffisent pas pour décrire le sentiment de plénitude qui m’habite.

Je dévalerai en trois jours les 2 500 mètres jusqu’à Syabrubesi, mon point de départ. Mes genoux en prendront pour leur rhume, mais malgré le fait que je sens encore un peu de douleur 6 jours plus tard, je veux absolument retourner en montage. J’y ai retrouvé quelque chose d’essentiel. Mais ça, ce sera l’objet de ma prochaine chronique.



Once in their lifetime, every person should journey to a place where legends live, where everything is bigger than life.
Alpiniste anonyme

1 commentaire:

  1. Salut Richard!

    Mille merci pour ce blog et ces photos hallucinantes du Langtang. Je te comprends sans difficuté quand tu mentionnes cette plénitude et ce silence au sommet. Les Alpes m'ont apporté un peu de cela. C'est magique là-haut!

    Continues bien ton périple, tu nous inspires à faire de belles choses de nos vies.

    Et au plaisir de se recroiser à une terrasse de café à Montréal

    Ciao

    Emmanuel

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