mardi 24 août 2010

Incredible India!

Je viens de m`apercevoir que je n`ai pas publié le texte sur nos péripéties à l'arrivée. Voici donc notre baptême de l'Inde.

L’arrivée à Delhi donne le ton à un début de périple indien qui saura plaire aux amateurs d’aventure. Le vol arrive à l’heure (minuit 30) et on passe les douanes les doigts dans le nez. Reste à prendre nos bagages, et rejoindre le chauffeur de taxi de l’hôtel qui nous attend avec la petite pancarte « Richard Touchette – Rak Hotel ». Du moins c’est ce qui est prévu.

Après ½ heure, le sac d’Alexis apparaît. Le mien doit suivre incessamment. Eh bien non! Il faut donc que j’aille au comptoir, que je remplisse une série de formulaires et que j’espère que je retrouverai mes choses rapidement. Il est donc maintenant 2 heures du matin, heureusement que le taxi est là. Eh bien non! Il n’y est pas (ou il n’y est plus, c’est selon). Je me dirige donc au kiosque des taxis prépayés, je paie le nécessaire et on nous dirige vers un poste extérieur. Il fait chaud, très chaud. Environ 35 degrés. La situation est un peu chaotique, pas clair quel taxi on doit prendre. Un type m’aborde en me disant qu’il va chercher son véhicule et viendra nous prendre dans 2 ou 3 minutes. Bon, ça doit être OK…

Il arrive tel que promis, et on part. On discute en anglais limité, je comprends qu’il pratique le métier depuis trois mois seulement. Il semble confiant de pouvoir trouver notre hôtel, bien qu’il n’est pas très familier avec le quartier de Paharganj, où nous devons loger. Après quelques minutes, il arrête sur le bord de la route et il embarque un jeune homme, qui dit être de la parenté, et qui baragouine un peu mieux l’anglais. Il dit qu’on se rendra à Paharganj et qu’on demandera à quelqu’un rendu sur place pour l’hôtel. Mon pif me dit qu’on peut avoir confiance. Quelques minutes plus tard, on arrête une seconde fois, cette fois à une station de service, et on y laisse un pneu pour réparation. On va y arriver…

Après ½ heure de route, on est presque rendu à Paharganj. Curieusement, les rues d’accès au quartier sont toutes bloquées par des barrières. Pas moyen d’y accéder. Nos pilotes ne se découragent pas, et ils réussissent à trouver un bureau touristique encore ouvert. Alexis y entre et je surveille nos sacs. Il ressort en disant qu’il a parlé avec quelqu’un de l’hôtel et qu’on ne peut pas s’y rendre car les rues sont bloquées et pleines d’eau. Le type au kiosque lui propose que la seule option est de prendre une chambre à l’extérieur du quartier pour la modique somme de près de 100$. La confiance est mise à rude épreuve. Je suggère plutôt qu’on nous dépose à l’entrée du quartier près de la gare. De là, je pense pouvoir trouver soit notre hôtel où tout du moins une chambre abordable, ayant séjourné ici l’an dernier.

Tout se passe bien, et voilà donc qu’on nous y dépose et qu’on se lance à pied. Faut voir le bon côté, on est plus légers avec un sac de moins . Le quartier est désolant. Les jeux du Commonwealth auront lieu à Delhi en octobre, et la ville se refait une beauté. Pour l’instant, c’est ressemble un peu à un champ de bataille avec des tas de pierres et de sable dans la rue et des devantures complètement défaites. Pas très réconfortant. Après quelques minutes, on aperçoit une pancarte indiquant « Rak Hotel, This Way ». J’avoue ressentir un certain soulagement. On cogne à la porte, on réveille les deux gardiens couchés sur le sol devant la réception, et on y entre.

Surprise, notre chambre nous attend, la climatisation fonctionne, et la douche aussi. Bon, je suis dégoulinant de sueur, mes vêtements sont détrempés et je n’ai pas de vêtements de rechange, et je suis épuisé, il est quatre heures du matin, et je suis debout depuis près de 36 heures. Mais je suis surtout soulagé d’être enfin arrivé.


Nous dormons jusqu’à midi le lendemain alors que le téléphone sonne (oui, nous avons un téléphone dans la chambre, rien de trop beau). Mon sac est à la réception! Je descends le récupérer, et toute cette saga est maintenant derrière nous. On est prêt pour tout maintenant. Du moins c’est ce que je pense…

Météo de l’âme

Voilà un peu plus d’un mois que je suis parti. J’ai vu des endroits magnifiques, rencontré des gens trippants et vécu des moments magiques. Cela dit, outre les aventures décrites dans mes entrées précédentes j’ai envie de faire état de quelques éléments de frustration, juste pour me vider le cœur, comme ça ce sera fait.

Je n’ai de possessions que ce qui entre dans mon sac à dos. Je réussi tout de même régulièrement à égarer plein de choses, notamment mes lunettes, ce qui n’aide pas pour retrouver lesdites choses. J’ai même réussi à perdre une paire de pantalons, une paire de bas, une orthèse pour soigner ma tendinite et un porte-savon (savon inclus). J’ai brisé trois stylos, j’ai déchiré mes pantalons (il faut que j’agence la couleur de mes bobettes à celle de mes pantalons), fendu mes bottes de marche et j’ai un guide de voyage archi-gondolé à cause de la pluie,

Il pleut. Il pleut souvent. Un peu trop. Assez pour causer de nombreux obstacles au transport routier. Assez pour causer plus de 100 morts et 500 blessés au Ladakh le 6 août dernier (il n’est pas sensé pleuvoir au Ladakh l’été), assez pour complètement changer mes plans car c’est justement au Ladakh que je comptais aller au début août et assez pour donner un ton général un peu gris au périple jusqu’à date. Tout est humide et le séchage des vêtements lavés peut prendre trois ou quatre jours et encore… Et moi qui partait me déposer à un endroit où il ferait sec et ensoleillé.

Il y a beaucoup d’Israéliens. Je ne mentionnerai qu’en passant leur ton trop souvent brusque, voire directif, ainsi que leur comportement qui manque, à mon sens, de politesse, et dans certains cas (et ce n’est pas seulement mon opinion) de savoir-vivre. Je ne veux pas ici faire de la politique ou encore faire le procès d’un peuple. Simplement, il y en a vraiment beaucoup, et ils se concentrent aux mêmes endroits, et souvent des endroits par ailleurs plutôt chouettes. Assez pour que les voyageurs décrivent ces endroits comme Little Israël ou Little Tel Aviv. Les pancartes des Guesthouse et des restaurants peuvent se lire en anglais et en hébreu, parfois seulement en hébreu. Ils prennent assez de place pour qu’on se sente une minorité visible, ce qui n’est pas très agréable. Il est donc de mise entre voyageurs de se donner des mises en garde quant au choix villages ou des quartiers ou rester. Dommage.



Dernier bémol, je me suis fait une mini-coupure sur un doigt au Spiti. Je vous entends dire que là vraiment, y fait moumoune un peu. En principe vous avez raison… mais la coupure s’est infectée au point où j’ai dû prendre quatre jours d’antibiotiques pour que mon doigt revienne à une taille normale.

Bon, ça fait du bien de le dire. Cela étant dit, je me sens très bien. J’ai quitté Alex il y a un peu plus de 10 jours, et le voyage seul, ca commence à rentrer. Je suis dans le coin de Dharamsala. De ces jours j’assiste tous les matins à une méditation guidée d’une durée d’une heure au temple Tushita en haut de la colline. Pour être plus prêt du temple et pour sortir du brouhaha de la ville, je suis déménagé au village de Dharmakot à trois kilomètres de MacLeod Ganj. J’habite un tout petit guesthouse familial, et j’y suis le seul résidant. La chambre me coûte 100 roupies la nuit, soit 2.30 $ canadiens. Outre la méditation, il n’y a pas beaucoup à faire dans le coin, surtout quand il pleut (hier, il a plu toute la journée). Je ne fais donc pas grand chose. Je lis, je dors, j’écris, je mange au petit resto népalais à deux pas d’ici, la journée y passe. S’il faisait sec et ensoleillé, je resterais ici des semaines. Mais il pleut, alors… Alors je ne sais pas. La météo de l’âme est passablement influencée par la météo extérieure. Je lis beaucoup, passant du spirituel au polar selon l’inspiration. Everything that is outside is inside and everything that is inside is outside lisais-je hier soir. En effet…

Leh m’appelle toujours, je pense donc retourner à Manali et voir si la route est praticable et prendre le pouls de gens qui reviennent du Ladakh pour évaluer la situation. Si ce n’est pas vers le Nord, ce devra être vers le Sud, et là, tout est ouvert. Faudra aller pas mal au Sud pour échapper à la mousson et je n’ai pas vraiment envie de faire de grandes distances. On n’y échappe pas, il y a toujours des choix à faire.

mardi 17 août 2010

A snap?

A snap? Can? J’ai entendu souvent ces mots (ou une variante de ceux-ci) au cours de la fin de semaine. Je suis à MacLeod Ganj, à 10 km de Dharamsala, là où se situe le siège du gouvernement en exil du Tibet et donc la résidence principale du Dalaï Lama. Outre cette distinction tout à fait unique, c’est également une station de montagne bien courue par les Indiens qui tentent d’échapper à la chaleur de la plaine. Il y a donc un grand nombre de touristes indiens de ces jours ici, même s’il pleut tous les jours.

Dimanche dernier, j’ai décidé de faire la ballade de deux kilomètres menant au village de Bagshu. On y retrouve une source d’eau « sacrée » qui se déverse dans une piscine où se baignent les hommes indiens, ainsi qu’une chute qui se situe dans un paysage bucolique, peut-on lire dans le guide. Parfait, j’ai besoin de m’éloigner de la horde de touristes et du bruit incessant des klaxons. Je n’ai pas encore appris qu’il n’est pas de mise d’avoir trop d’attentes en Inde. Surtout quand l’attente rime avec tranquillité et solitude…

Je me dirige donc sur la petite route qui mène à Bagshu. Dès mes tous premiers pas, je trouve qu’il y a pas mal de monde sur la route. Plus encore, il y a un embouteillage monstre qui durera les deux kilomètres qui me séparent de ma destination. Il semble qu’on soit non seulement dimanche, mais le jour de l’Indépendance de l’inde, donc férié. Le trafic est complètement figé. Les gens klaxonnent tout d’abord furieusement, puis après un certain temps, sortent de leur voiture et s’écrasent au beau milieu de la chaussée pour manger ou jouer aux cartes. Autre pays, autres mœurs. Faudra être patient. Le trajet à pied a donc des allures urbaines, mais j’avoue qu’il règne une ambiance tout de même particulière.

Une fois sur place, je suis un peu surpris de constater que la piscine n’est ni un bain, ni un étang, mais bien… une piscine! Une meute de jeunes, et certains moins jeunes, indiens sautent à l’eau et s’arrosent comme des enfants. Les autres restent sur les abords et prennent des photos avec leurs téléphones portables ou avec des petits appareils numériques. C’est alors qu’un jeune homme m’aborde. A snap? Can? Dit-il, affichant un large sourire. Hmmmm…. Voilà un bon test pour mon anglais. J’ai beau me creuser la cervelle, je ne trouve mieux que de hausser les épaules et sourire à mon tour. Le type s’essaie de nouveau, mais cette fois il pointe son portable et ajoute un mot à la série. A snap? Can take? C’est beaucoup plus clair. Et puis, je me rappelle que ma chère mère, britannique d’origine, avait – et a toujours -l’habitude d’appeler des photos, des snapshots, ou snaps. Serait-ce que les colonisateurs ont légué de terme obscur aux indigènes? Fier de cette déduction, j’acquiesce volontiers, ne sachant exactement qui doit prendre une photo de qui, mais bon, ça coût rien.

Et c’est parti. On me prend en photo. On me prend en photo avec l’ami. On me prend en photo avec l’autre ami. On me prend en photo avec le groupe, avec les enfants, avec tout le ON me demande aussi de les prendre en photo. À deux, à trois, en groupe, you name it. Je me prête au jeu. Tout le monde s’amuse, on prend des poses, on rit est en vacances!

Je finis par m’extirper de là pour me diriger vers la chute. Pas plus que deux minutes plus tard, je tombe sur une groupe de jeunes Punjabis qui décident de m’adopter, je ne sais trop pourquoi. You like India? Me dit l’un. I love India! Je réponds. Yessssssssssss crient-ils en cœur! You like Indian people? I love Indian people. Yessssssssssssss!! C’est parti, je me suis fait des amis. On marche donc bras dessus, bras dessous, chacun tentant de se coller sur moi et de me poser les questions usuelles : What your country? How old you? Where you go? You like India (encore)? You like Indian people? I love… Yessssssssssssssssssssss!!!

En tout cas, ils sont de bonne humeur. Ils m’entraînent sur des rochers au bas de la cascade et sortent une bouteille de whisky. Je sens que ça va être difficile de refuser. Ce serait pas de bon ton disons. Surtout qu’on est de vrais bons amis maintenant. On trinque, on prend des photos et on rigole, on s’aime.


Yessssssssssssss!!! C’est la fête quoi! Pas tout à fait ce que j’avais en tête comme journée, mais This is India, and I love…. Oui je sais vous avez compris.

Après avoir vidé la bouteille, nous titubons vers la piscine où je laisserai mes amis prendre soin des plus amochés. Le retour sera tout aussi animé, je me suis fait plein d’autres amis, les abordant d’un large sourire, lançant, en pointant vers mon appareil photo : A snap? Can?

vendredi 13 août 2010

La vallée du Spiti (suite et fin)

Le jour du départ de Dankhar, le temps n’a pas changé, il pleut toujours légèrement. On réussit à trouver un une jeep qui descend les 10 km jusqu’à la route principale, ce qui nous évite de redescendre par où on est monté. Ouf!! Me semble qu’une petite journée qui se déroule sans histoire, ça se prendrait bien. Me semble. Rendu en bas, on nous avise que la route entre Kaza et Sichling, le village où on se trouve, est infranchissable. Pas de problème, on couche ici. On fait le tour de la quesrtion assez rapidement, il n’y a qu’une seule chambre à louer dans le village et on est huit voyageurs pris là. OK, il doit y avoir une autre solution. On marche, où on essaie d’arrêter tout les véhicules qui passent et on deal un lift. J’opte pour la seconde option, histoire de garder mon énergie pour écrire ce soir. Après plusieurs tentatives infructueuses, un gentil monsieur accepte de prendre les Catalans et nous. On réussit tant bien que mal à entrer quatre personnes, quatre gros sacs à dos et quatre petits sacs à dos dans sa sous-compact. Quel soulagement, on est sauvés… Jusqu’à ce que le pneu arrière droit décide qu’il n’a plus envie d’affronter de nouveaux défis et qu’il se dégonfle. Pas de problème, les autos, j’connais ça. Du moins assez pour m’apercevoir qu’on n’a pas les outils nécessaires. On arrête donc une jeep qui nous dépanne et nous voilà reparti, le chauffeur tentant d’éviter les petites et grosses pierres qui tapissent la route, tout en regardant constamment vers le haut du flanc de montagne d’un air inquiet. Les mots nous finissons par y arriver sont inadéquats pour exprimer l’état dans lequel nous nous trouvons une fois rendus, mais je ne veux pas trop en mettre. C’est pas tout à fait fini. À Tabo, comme à Kaza, pas d’électricité, mais aussi pas d’eau, ce qui est moins agréable pour la toilette. Bon, on peut s’en passer pour deux jours. On continuera donc notre route vers Nako. Enfin, pas tout à fait. Il semble qu’un pont se soit écroulé et que la route est coupée à plus de 10 endroits entre ici et Rekong Peo, de l’autre côté de la vallée. Comme nous avons peu de jours avent de retourner à Manali, on décide de rebrousser chemin et refaire la route via Kaza et Losar. On nous dit cependant que le col de Roatang a été fermé pendant quelques jours cette semaine par la neige. Y’en aura pas de facile. Pas de bus ce matin vers Kaza, on passe donc la journée à attendre le bus de 15 heures. Inch Allah… On retournera à Kaza sans problèmes et on ira faire quelques jours de ballades à partir de Kibber, le point marquant étant la traversée d’un ravin en trolley(voir texte précédent). Retour à Kaza (encore!) pour prendre le bus pour Manali. L’aventure spitienne n’est pas tout à fait terminée. À 20 heures, le bus en provenance de Manali n’est pas encore arrivé, et comme c’est lui qui retourne le lendemain matin, pas possible de confirmer qu’il il y aura en fait un autobus qui fera le trajet. On doit donc se pointer à la gare d’autobus à 4 heures du matin. On se retrouve donc une douzaine de voyageurs, lampes de poche à la main à tenter notre chance. Il y a bel et bien un autobus de stationné, mais personne en vue, jusqu’à ce que vers 4 heures 30 on entend des bruits dans le bus. Il semble que le bus fait aussi office de chambre d’hôtel pour le chauffeur et le preneur de tickets. C’est donc ce même chauffeur, qui aura dormi environ 6 heures, après quelques 16 heures au volant dans des conditions pénibles, qui doit refaire la route en sens inverse aujourd’hui. Faut avoir la foi… Le scénario est pas mal le même qu’à l’aller, incluant un arrêt d'une heure ou las bus et camions attendent leur tour pour franchir une cascade de taille un peu inquiétante qui recouvrela route. On a maintenant l’habitude, et on n'en fait pas un plat. On se retrouvera donc à Manali 14 heures plus tard, à prendre une bière et manger de la pizza, sachant que dans quelques jours, nous prendrons la route pour Leh dont le premier segment requiert de passer le col de Roatang. Jamais deux sans trois… Ou du moins, c’est ce qui est prévu.

lundi 9 août 2010

Permis et bureaucratie

Ce texte a été écrit il y a environ deux semaines. Deplus, pour brouiller les cartes encore plus, j'y attache quelques photos qui n'ont pas vraiment rapport au texte. Je les aime c'est tout.


Le Guide de voyage Lonely Planet, plus communément appelé La Bible, nous indique que pour aller plus loin que le village de Tabo, et donc de passer de la vallée du Spiti à la région du Kinnaur, il faut obtenir un Inner line permit. Nous voilà donc à Kaza, chef-lieu du Spiti, à la chasse au permis.

Premier arrêt, le bureau du Assistant District Commissionner, ou ADC, celui qui émet le permis. C’est à un kilomètre du Vieux Kaza, là où nous logeons, dans le nouvelle section de la ville (mieux connu sous le nom de New Kaza; coquet, non?). Une fois sur place, le ADC nous indique que comme nous ne savons pas combien de temps nous passerons dans la région de Kaza avant de quitter pour Tabo, vaut mieux revenir le jour avant notre départ définitif de Kaza. Bon, si c’est comme ça…

De retour dans le vieux Kaza, nous rencontrons Alex et Laya, un couple de Catalans que nous avions vu dans le bus de Manali il y a quelques jours. Ils nous disent qu’ils ont réussi à obtenir un permis de 14 jours (La Bible dit que le permis est de 7 jours). Voilà qui règlerait notre problème. Ils nous expliquent également la procédure à suivre : trouver le formulaire, le remplir, le faire approuver par la police et retourner au ADC avec deux photos passeport et le tour est joué.

On repart donc vers New Kaza, avec un espoir renouvelé. On arrête au centre de photocopies Ashok qui nous fournit les formulaires nécessaires, et nous fait des photocopies de nos passeports et visas. On remplit les formulaires sur une table de plastique à l’extérieur du magasin. J’y retourne pour demander les indications pour aller au poste de police, mais le magasin est fermé pour le lunch.

On demande ici et là, il semble que le poste de police est à un kilomètre de là, au bas du village. On part donc d’un bon pas, tout va bien. À 3700 mètres, quand le soleil se met de la partie, ça tape. Et c’est le cas aujourd’hui. On se perd quelques fois dans le dédale des ruelles, mais on finit par trouver. C’est un gros compound, avec une quinzaine de bâtiments éparpillées ici et là. Aucune indication n’est visible. On entre dans quelques uns des bâtiments et finalement un jeune homme nous indique le bon endroit. On se retrouve devant deux hommes mi-cinquantaine, habillés en tenue militaire, dans un bureau vétuste, désordonné, et qui semblent attendre paisiblement la fin de la journée. Le plus haut gradé (c’est inscrit dans le non-verbal des deux qui est le chef et qui est le subordonné), M. Kumar Singh, nous somme de nous asseoir. Il vérifie que chaque information sur le formulaire correspond aux informations du passeport.

Au moment critique où il doit apposer sa signature, il constate que le ADC n’a pas signé le formulaire de demande de permis. « You must get signature from ADC and come back » dit-il d’un ton à la fois sérieux et enjoué. Je plaide ma cause, mais rien à faire. Nous retraçons nos pas, cherchant l’ombre, vers le bureau du ADC. Fait chaud…

On entre dans le bureau, mais pas de veine, il y a déjà un groupe de quatre voyageurs qui sont attablés devant le fonctionnaire. Nous patientons donc une quinzaine de minutes pour déposer nos formulaires, que le type signe sans les regarder.

Et on repart pour le poste de police. Fait encore plus chaud, et comme on partait initialement pour une courte marche, on n’a ni eau, ni crème solaire, et un seul couvre-chef que nous partageons. On connaît le chemin maintenant, ça va un peu plus vite. On se rend au bureau de M. Singh, où le subalterne sans nom nous informe que son chef est parti prendre le lunch à sa résidence. Il nous prie de prendre siège et de patienter.

Nous meublons le temps en observant M. Sans Nom feuilleter des dossiers qui semblent issus d’une autre époque. La scène est digne d’un film britannique des années 40 qui se déroule dans la colonie. De notre point de vue extérieur, le brassage de papiers ne semble avoir aucune fonction évidente. Il ouvre un dossier, le feuillette lentement, s’arrête sur quelques pages qu’il déplie et replie méticuleusement en poussant un soupir ou une onomatopée de temps à autre, puis referme le dossier. Il se dirige vers la fenêtre, hurle quelques phrases à un destinataire inconnu, qui restent sans réponse, puis revient feuilleter un autre dossier.

Pendant que ce rituel se poursuit, Alex se questionne sur la logique de tout se processus, et je l’entretien sur les différences culturelles, sur le legs de la colonisation britannique, sur le respect de la hiérarchie et sur la création d’emploi. Il n’est pas convaincu…

Après ½ heure d’attente on nous dirige, sans explication, vers un autre bureau où sont assis deux messieurs plutôt rigolos. Le premier nous jase ça tout gentiment alors que le second s’attaque a vérifier la conformité de tous nos documents avec ce qu’on a inscrit sur les formulaires. Quelques instants plus tard, il note au bas du formulaire que le Bureau de la police n’a pas d’objection à ce qu’un permis nous soit émis. On se demande sur quelle base ils auraient pu s’objecter…
On refait donc le kilomètre si bien connu maintenant, vers le bureau du ADC. Fait vraiment chaud… On est quand même confiants. On monte les marches deux par deux et on se dirige allègrement vers le bureau du coin. Mais ce n’est pas encore fini. La porte est fermée et cadenassée. Bonne nouvelle cependant, le type est de retour deux minutes plus tard. Il prend nos papiers, nos photos et en un tour de main, nos permis nous sont remis. Nos cœurs remplis d’allégresse, nos deux heures d’effort sont récompensés par un permis… d’une semaine plutôt que les 14 jours demandés!? On recommence? On fait le calcul, et comme le permis sera valable à partir du 25 juillet, soit dans 4 jours, ça ira.

Ah oui, il n’y a aucun frais pour le permis. Difficile à comprendre le pourquoi de la chose. Encore une fois, cette Inde incroyable nous fait voir une autre facette de sa personnalité…

Le trolley

Le soleil, plutôt timide depuis notre arrivée en Inde, est resplendissant ce matin. On en profite pour faire une ballade de Kibber à Chicham, le prochain village en amont. Ce sera facile, de notre petit hôtel on voit que la route descend vers une vallée puis remonte de l’autre côté, une à deux heures de marche devraient suffire. On y va d’un pas léger, le paysage est superbe. Après 45 minutes de marche, on voit mieux la route qui serpente vers le fond de la vallée. En fait, il s’agit d’un ravin très profond et très escarpé. Il faudra ajouter minimalement une heure à la marche, à moins que… C’est Alex qui l’aperçoit en premier. Un petit panier de métal accroché à un câble d’acier suspendu à environ 150 mètres au-dessus de la rivière, et reliant les 100 mètres qui nous séparent de l’autre versant. Alex n’a aucun doute. C’est par là qu’on passe. Outre le fait de se sauver une heure de marche, c’est une expérience à vivre. Nos discussions ces derniers jours portent beaucoup sur l’importance d’être ouvert, de ne pas se laisser guider par nos peurs, de dire oui à ce que la vie nous présente. Merde, c’est pas à ce genre de chose que je pensais… J’essaie de lui faire comprendre qu’on peut décliner certaines offres, non pas par peur, mais simplement par préférence. On n’est pas obligé de TOUJOURS dire oui. Peine perdu, je suis peu convaincant...

Difficile de vous expliquer précisément comment ça fonctionne. En gros, on s’assoit dans le panier, on se laisse aller et on glisse allègrement environ la moitié de la distance. De là, on doit tirer sur une corde apposée avec des anneaux sur le fil de fer et reliée à des fixations des deux côtés. Vaut mieux regarder les photos pour mieux comprendre.

On se lance donc. Alex manipule la corde, et moi je prends des photos, chacun sa spécialité. Au début, c’est une poussée d’adrénaline, mais après, c’est simplement la corvée de tirer la corde, ne pas trop penser qu’on est 150 mètres en haut d’un gouffre, et surtout se convaincre qu’un inspecteur agréé passe une fois par semaine pour vérifier la conformité du système avec les normes ISO. L’expérience est de courte durée, on est de l’autre côté en moins de deux minutes. J’ai réussi. Je peux cocher dans la petite case et ne pas me sentir obligé de récidiver. Jusqu’au retour… Fin PM, on a marché toute la journée, j’ai les jambes lourdes et je me demande ce qui est pire : descendre et remonter le sentier, ou affronter de nouveau ma peur de mourir.

Et puis, allons-y pour la mort; on y a survécu une fois, pourquoi pas deux, on a l’habitude maintenant. Vous le devinerez, nous avons relevé le défi. Comme le dit l’adage : La jeunesse c’est la victoire de l’aventure sur le confort. Je ne suis pas encore trop vieux…

dimanche 8 août 2010

La vallée du Spiti (suite)

À partir de Losar, accompagnés de Alejandro et Laya, un couple de Catalans que nous croisons régulièrement, nous décidons d’aller au village de Dankhar. Pour ce faire, deux options s’offrent à nous. Soit prendre le bus jusqu’à une jonction sur la route et tenter de trouver un transport pour monter la route de 10 kilomètres jusqu’au village, ou alors prendre le même bus jusqu’à un point sur la route où un sentier pédestre de 1.5 kilomètres doit nous mener au village. Sur papier (faudrait que je relise le contrat), la deuxième option nous paraît la meilleure. En pratique, disons que je ne suis pas exactement bien préparé, ni bien équipé pour une grimpette du genre. Parce que ça monte, pis pas à peu près. La première heure, les désavantages de mon sac à dos de voyage (par opposition à un sac de randonnée), et mon petit côté insécure, qui se traduit en syndrome du séchoir à cheveux (j’ai vraiment besoin de tout ça?) m’imposent une certaine souffrance, mais ça s’endure. Mais le dernier 45 minutes, on rit p’us, mais p’us du tout.

Je peine à monter, je passe plus de temps arrêté qu’à marcher et je me sens vidé. Pourtant je ne prends jamais l’ascenseur au bureau pour passer du 2e au 4e... ou presque jamais, des fois j’suis en retard pour une réunion. Les mots je finis par y arriver sont inadéquats pour exprimer l’état dans lequel je me trouve une fois au village, mais je ne veux pas trop en mettre. Disons que ça se résume par les deux mots que je lance d’une voix faible à Alex, qui bien sur est là depuis un petit bout, « Ça,…NON ».



L’endroit est magnifique, mais c’est, comme tous les jours depuis notre arrivée, nuageux. Le lendemain, malgré le temps incertain, on fait une ballade aller-retour pour le village de Lalung, à trois heures de là. C’est très beau, mais le temps se gâte peu à peu, et le retour se fait sous une pluie fine. Et pourtant, c’est bien connu, il ne pleut pas au Spiti l’été…

Reste que le paysage est grandiose et ;a visite du monastère tout en haut du pic rocheux est fabuleux. Vous pourrez voir les photos à l'adresse suivante: http://picasaweb.google.com/110733021561570113813/MonastereDeDankhar?authkey=Gv1sRgCI3x2__k-a-ndA&feat=directlink

vendredi 6 août 2010

La vallée du Spiti, ou voyager comme dans l’temps

Alex voulait un peu d’aventure, comme c’était fréquent dans mon temps, selon mes dires. Nous voilà bien servis. La dernière semaine a été pleine de rebondissements. Ça commence par le trajet de Manali pour se rendre à Kaza, dans la vallée su Spiti. Huit heures d’autobus sur une route en lacets à monter le col de Roatang (3970 mètres), redescendre, remontre le col de Kunzum (4550 mètres), puis redescendre une seconde fois dans une vallée étroite où vivent des gens d’origine tibétaine, bouddhistes, et où l’été il ne pleut pas, ce qui sera le bienvenue. C’est du moins ce qui est prévu.

L’autobus bondé quitte Manali à 6 heures 30. Il fait gris, mais ne pleut pas. Après quelques heures, il se met à pleuvoir légèrement. Plus on monte vers le premier col, moins il y a de végétation pour retenir l’eau. Les cascades forment des ruisseaux de plus en plus larges et traversent la route à de nombreux endroits, parfois avec une intensité suffisante pour créer un léger sentiment d’insécurité. Pas un état d’esprit vraiment agréable, mais en même temps, pas suffisant pour douter des chauffeurs qui gagnent leur vie à parcourir cette route tous les jours depuis des années. La piste est boueuse, les ruisseaux gonflent et des roches parsèment maintenant la route. Y’commence à y avoir de l’ambiance. Les passagers observent le tout avec un mélange de fascination et d’appréhension. Et puis, on s’immobilise complètement.

La route est partiellement bloquée par une chute de roches et de gravier d’un côté, et une surface boueuse et glissante du côté du ravin. Choix difficile s’il en est un. Le passage est périlleux pour les autos, impossible pour les camions et les bus. Difficile de voir commet ça peut se résoudre. Une file de camions et d’autobus se forme, les gens sortant des véhicules pour étudier la situation, chacun y allant de ses conseils accompagnés de gestes amples et de cris d’encouragement ou d’inquiétude, c’est selon. Personne cependant ne pose de geste concret pour organiser une quelconque action en vue de rectifier la situation. This is India m’offre comme explication un jeune indien qui assiste tout comme moi à ce spectacle invraisemblable.

Après environ une heure, quatre jeunes hommes arrivent à pied avec un pic et une pelle. C’est le work crew. À toutes les dizaines de kilomètres, une équipe de 5 à 10 hommes vit dans un campement rudimentaire, en fait une série de bâches - habituellement bleues, ce qui me rappelle le camping au Québec … juxtaposition d’images dérangeante, car ce lieu n’a rien d’idyllique - montée sur des branches et tenue au sol par des pierres. Venus du sud, issus d’une caste inférieure, c’est leur boulot, et leur vie, le temps que la route est ouverte, le temps d’une saison, le temps d’une pluie. Pour toute possession ils n’ont un petit réchaud et des casseroles, quelques couvertes et des denrées de base : riz, lentilles, quelques légumes, et bien sur du thé et du lait en poudre. J’espère que l’été n’est pas trop mal au Québec… Je disais donc que voilà le work crew. lls se mettent vaillamment au travail sous le regard critique des nombreux Indiens qui profèrent toujours leurs conseils. Faut l’dire cependant, quelques uns mettent la main à la pate pour déplacer des roches. Les internationaux eux, regardent tout simplement, ou alors prennent des photos pouvoir montrer à tout le monde à la maison qu’on est vraiment loin, et qu’on est de vrais aventuriers, nous; pas de simples touristes. Je suis du dernier groupe. Tintin en Inde! Dit comme ça, c’est un peu gênant, mais je m’assume. Et puis, je devrais faire quoi? Faire semblant que je vis ça tous les jours? Apporter un appareil photo et tout le pataclan pour les laisser dans mon sac? Bon, revenons au récit principal. Après un arrêt de plus de trois heures, on repart. Le reste de la route se fait péniblement, les conditions sont, disons, moins qu’optimales. À un moment donné, il se met à pleuvoir plus sérieusement. Pause bouffe/pipi oblige, on sort du bus pour remarquer que les sacs à dos qui ont été déposés sur le toit n’ont pas été recouverts d’une bâche. Merde… Alex monte sur le bus, et recouvre nos bagages de sacs de poubelle. Trop tard cependant, ils sont détrempés. Way to go le vieux routier… pas fort de ne pas y avoir porté attention. Après 13 heures de route, on arrive à Losar, premier village de l’ouest de la vallée du Spiti. Le bilan : les vêtements dans des sacs de plastique sont OK, les autres doivent être tordus et accrochés dans la chambre. Mon ordi et accessoires sont au sec, mais mon guide de voyage ressemble étrangement à une éponge. Mes nouveaux pantalons indiens ont choisi de partager leur couleur locale avec quelques autres de mes vêtements (probablement eux aussi fabriqués dans ce coin du monde, mais que je considère à quelque part comme provenant de chez nous). Ah oui, le lendemain, j’oublierai de prendre la dernière paire de bas et le dernier pantalon que j’ai accroché à la corde à linge avant de quitter. Tintin ne serait pas fier…

Le prochain arrêt sera Kaza où on vivra l’aventure Inner line permit (un autre texte à ce sujet suivra) et où on assistera à une cérémonie pré-mariage locale très chouette (j’peux pas tout décrire, il faut que je passe un peu de temps à faire autre chose qu’écrire). Quelques jours seront consacrés à se balader dans les environs de Kibber, village enchanteur situé à 4200 mètres d’altitude et à découvrir les moines et le monastère de Ki, où nous passerons la nuit, la majeure partie de la soirée étant consacrée à tenter d’éviter de boire du thé au beurre (bleurk… j’suis pas rendu là encore, mais j’pense pas être le seul).

Je vous laisse sur ce, et continuerai le récit lors de ma prochaine entrée.