vendredi 6 août 2010

La vallée du Spiti, ou voyager comme dans l’temps

Alex voulait un peu d’aventure, comme c’était fréquent dans mon temps, selon mes dires. Nous voilà bien servis. La dernière semaine a été pleine de rebondissements. Ça commence par le trajet de Manali pour se rendre à Kaza, dans la vallée su Spiti. Huit heures d’autobus sur une route en lacets à monter le col de Roatang (3970 mètres), redescendre, remontre le col de Kunzum (4550 mètres), puis redescendre une seconde fois dans une vallée étroite où vivent des gens d’origine tibétaine, bouddhistes, et où l’été il ne pleut pas, ce qui sera le bienvenue. C’est du moins ce qui est prévu.

L’autobus bondé quitte Manali à 6 heures 30. Il fait gris, mais ne pleut pas. Après quelques heures, il se met à pleuvoir légèrement. Plus on monte vers le premier col, moins il y a de végétation pour retenir l’eau. Les cascades forment des ruisseaux de plus en plus larges et traversent la route à de nombreux endroits, parfois avec une intensité suffisante pour créer un léger sentiment d’insécurité. Pas un état d’esprit vraiment agréable, mais en même temps, pas suffisant pour douter des chauffeurs qui gagnent leur vie à parcourir cette route tous les jours depuis des années. La piste est boueuse, les ruisseaux gonflent et des roches parsèment maintenant la route. Y’commence à y avoir de l’ambiance. Les passagers observent le tout avec un mélange de fascination et d’appréhension. Et puis, on s’immobilise complètement.

La route est partiellement bloquée par une chute de roches et de gravier d’un côté, et une surface boueuse et glissante du côté du ravin. Choix difficile s’il en est un. Le passage est périlleux pour les autos, impossible pour les camions et les bus. Difficile de voir commet ça peut se résoudre. Une file de camions et d’autobus se forme, les gens sortant des véhicules pour étudier la situation, chacun y allant de ses conseils accompagnés de gestes amples et de cris d’encouragement ou d’inquiétude, c’est selon. Personne cependant ne pose de geste concret pour organiser une quelconque action en vue de rectifier la situation. This is India m’offre comme explication un jeune indien qui assiste tout comme moi à ce spectacle invraisemblable.

Après environ une heure, quatre jeunes hommes arrivent à pied avec un pic et une pelle. C’est le work crew. À toutes les dizaines de kilomètres, une équipe de 5 à 10 hommes vit dans un campement rudimentaire, en fait une série de bâches - habituellement bleues, ce qui me rappelle le camping au Québec … juxtaposition d’images dérangeante, car ce lieu n’a rien d’idyllique - montée sur des branches et tenue au sol par des pierres. Venus du sud, issus d’une caste inférieure, c’est leur boulot, et leur vie, le temps que la route est ouverte, le temps d’une saison, le temps d’une pluie. Pour toute possession ils n’ont un petit réchaud et des casseroles, quelques couvertes et des denrées de base : riz, lentilles, quelques légumes, et bien sur du thé et du lait en poudre. J’espère que l’été n’est pas trop mal au Québec… Je disais donc que voilà le work crew. lls se mettent vaillamment au travail sous le regard critique des nombreux Indiens qui profèrent toujours leurs conseils. Faut l’dire cependant, quelques uns mettent la main à la pate pour déplacer des roches. Les internationaux eux, regardent tout simplement, ou alors prennent des photos pouvoir montrer à tout le monde à la maison qu’on est vraiment loin, et qu’on est de vrais aventuriers, nous; pas de simples touristes. Je suis du dernier groupe. Tintin en Inde! Dit comme ça, c’est un peu gênant, mais je m’assume. Et puis, je devrais faire quoi? Faire semblant que je vis ça tous les jours? Apporter un appareil photo et tout le pataclan pour les laisser dans mon sac? Bon, revenons au récit principal. Après un arrêt de plus de trois heures, on repart. Le reste de la route se fait péniblement, les conditions sont, disons, moins qu’optimales. À un moment donné, il se met à pleuvoir plus sérieusement. Pause bouffe/pipi oblige, on sort du bus pour remarquer que les sacs à dos qui ont été déposés sur le toit n’ont pas été recouverts d’une bâche. Merde… Alex monte sur le bus, et recouvre nos bagages de sacs de poubelle. Trop tard cependant, ils sont détrempés. Way to go le vieux routier… pas fort de ne pas y avoir porté attention. Après 13 heures de route, on arrive à Losar, premier village de l’ouest de la vallée du Spiti. Le bilan : les vêtements dans des sacs de plastique sont OK, les autres doivent être tordus et accrochés dans la chambre. Mon ordi et accessoires sont au sec, mais mon guide de voyage ressemble étrangement à une éponge. Mes nouveaux pantalons indiens ont choisi de partager leur couleur locale avec quelques autres de mes vêtements (probablement eux aussi fabriqués dans ce coin du monde, mais que je considère à quelque part comme provenant de chez nous). Ah oui, le lendemain, j’oublierai de prendre la dernière paire de bas et le dernier pantalon que j’ai accroché à la corde à linge avant de quitter. Tintin ne serait pas fier…

Le prochain arrêt sera Kaza où on vivra l’aventure Inner line permit (un autre texte à ce sujet suivra) et où on assistera à une cérémonie pré-mariage locale très chouette (j’peux pas tout décrire, il faut que je passe un peu de temps à faire autre chose qu’écrire). Quelques jours seront consacrés à se balader dans les environs de Kibber, village enchanteur situé à 4200 mètres d’altitude et à découvrir les moines et le monastère de Ki, où nous passerons la nuit, la majeure partie de la soirée étant consacrée à tenter d’éviter de boire du thé au beurre (bleurk… j’suis pas rendu là encore, mais j’pense pas être le seul).

Je vous laisse sur ce, et continuerai le récit lors de ma prochaine entrée.

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