lundi 9 août 2010

Permis et bureaucratie

Ce texte a été écrit il y a environ deux semaines. Deplus, pour brouiller les cartes encore plus, j'y attache quelques photos qui n'ont pas vraiment rapport au texte. Je les aime c'est tout.


Le Guide de voyage Lonely Planet, plus communément appelé La Bible, nous indique que pour aller plus loin que le village de Tabo, et donc de passer de la vallée du Spiti à la région du Kinnaur, il faut obtenir un Inner line permit. Nous voilà donc à Kaza, chef-lieu du Spiti, à la chasse au permis.

Premier arrêt, le bureau du Assistant District Commissionner, ou ADC, celui qui émet le permis. C’est à un kilomètre du Vieux Kaza, là où nous logeons, dans le nouvelle section de la ville (mieux connu sous le nom de New Kaza; coquet, non?). Une fois sur place, le ADC nous indique que comme nous ne savons pas combien de temps nous passerons dans la région de Kaza avant de quitter pour Tabo, vaut mieux revenir le jour avant notre départ définitif de Kaza. Bon, si c’est comme ça…

De retour dans le vieux Kaza, nous rencontrons Alex et Laya, un couple de Catalans que nous avions vu dans le bus de Manali il y a quelques jours. Ils nous disent qu’ils ont réussi à obtenir un permis de 14 jours (La Bible dit que le permis est de 7 jours). Voilà qui règlerait notre problème. Ils nous expliquent également la procédure à suivre : trouver le formulaire, le remplir, le faire approuver par la police et retourner au ADC avec deux photos passeport et le tour est joué.

On repart donc vers New Kaza, avec un espoir renouvelé. On arrête au centre de photocopies Ashok qui nous fournit les formulaires nécessaires, et nous fait des photocopies de nos passeports et visas. On remplit les formulaires sur une table de plastique à l’extérieur du magasin. J’y retourne pour demander les indications pour aller au poste de police, mais le magasin est fermé pour le lunch.

On demande ici et là, il semble que le poste de police est à un kilomètre de là, au bas du village. On part donc d’un bon pas, tout va bien. À 3700 mètres, quand le soleil se met de la partie, ça tape. Et c’est le cas aujourd’hui. On se perd quelques fois dans le dédale des ruelles, mais on finit par trouver. C’est un gros compound, avec une quinzaine de bâtiments éparpillées ici et là. Aucune indication n’est visible. On entre dans quelques uns des bâtiments et finalement un jeune homme nous indique le bon endroit. On se retrouve devant deux hommes mi-cinquantaine, habillés en tenue militaire, dans un bureau vétuste, désordonné, et qui semblent attendre paisiblement la fin de la journée. Le plus haut gradé (c’est inscrit dans le non-verbal des deux qui est le chef et qui est le subordonné), M. Kumar Singh, nous somme de nous asseoir. Il vérifie que chaque information sur le formulaire correspond aux informations du passeport.

Au moment critique où il doit apposer sa signature, il constate que le ADC n’a pas signé le formulaire de demande de permis. « You must get signature from ADC and come back » dit-il d’un ton à la fois sérieux et enjoué. Je plaide ma cause, mais rien à faire. Nous retraçons nos pas, cherchant l’ombre, vers le bureau du ADC. Fait chaud…

On entre dans le bureau, mais pas de veine, il y a déjà un groupe de quatre voyageurs qui sont attablés devant le fonctionnaire. Nous patientons donc une quinzaine de minutes pour déposer nos formulaires, que le type signe sans les regarder.

Et on repart pour le poste de police. Fait encore plus chaud, et comme on partait initialement pour une courte marche, on n’a ni eau, ni crème solaire, et un seul couvre-chef que nous partageons. On connaît le chemin maintenant, ça va un peu plus vite. On se rend au bureau de M. Singh, où le subalterne sans nom nous informe que son chef est parti prendre le lunch à sa résidence. Il nous prie de prendre siège et de patienter.

Nous meublons le temps en observant M. Sans Nom feuilleter des dossiers qui semblent issus d’une autre époque. La scène est digne d’un film britannique des années 40 qui se déroule dans la colonie. De notre point de vue extérieur, le brassage de papiers ne semble avoir aucune fonction évidente. Il ouvre un dossier, le feuillette lentement, s’arrête sur quelques pages qu’il déplie et replie méticuleusement en poussant un soupir ou une onomatopée de temps à autre, puis referme le dossier. Il se dirige vers la fenêtre, hurle quelques phrases à un destinataire inconnu, qui restent sans réponse, puis revient feuilleter un autre dossier.

Pendant que ce rituel se poursuit, Alex se questionne sur la logique de tout se processus, et je l’entretien sur les différences culturelles, sur le legs de la colonisation britannique, sur le respect de la hiérarchie et sur la création d’emploi. Il n’est pas convaincu…

Après ½ heure d’attente on nous dirige, sans explication, vers un autre bureau où sont assis deux messieurs plutôt rigolos. Le premier nous jase ça tout gentiment alors que le second s’attaque a vérifier la conformité de tous nos documents avec ce qu’on a inscrit sur les formulaires. Quelques instants plus tard, il note au bas du formulaire que le Bureau de la police n’a pas d’objection à ce qu’un permis nous soit émis. On se demande sur quelle base ils auraient pu s’objecter…
On refait donc le kilomètre si bien connu maintenant, vers le bureau du ADC. Fait vraiment chaud… On est quand même confiants. On monte les marches deux par deux et on se dirige allègrement vers le bureau du coin. Mais ce n’est pas encore fini. La porte est fermée et cadenassée. Bonne nouvelle cependant, le type est de retour deux minutes plus tard. Il prend nos papiers, nos photos et en un tour de main, nos permis nous sont remis. Nos cœurs remplis d’allégresse, nos deux heures d’effort sont récompensés par un permis… d’une semaine plutôt que les 14 jours demandés!? On recommence? On fait le calcul, et comme le permis sera valable à partir du 25 juillet, soit dans 4 jours, ça ira.

Ah oui, il n’y a aucun frais pour le permis. Difficile à comprendre le pourquoi de la chose. Encore une fois, cette Inde incroyable nous fait voir une autre facette de sa personnalité…

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