lundi 7 mars 2011

Lantang... le voyage intérieur

Je vous ai relaté, dans ma dernière chronique, les détails factuels de ma randonnée dans la Lantang Himal. Cette fois, tournons-nous un peu vers l’intérieur pour voir ce qui s’y trouve, histoire de mieux saisir l’impact d’une telle aventure.

Je suis tenté de résumer le tout en disant simplement que je me suis senti bien, vraiment bien. Un sentiment d’être au bon endroit au bon moment. Mais encore dîtes-vous… OK. Je me suis senti tour à tour excité, serein, comblé, exalté, privilégié, profondément calme et euphorique. Bref, j’ai pogné un osti d’buzz.

Bien des choses y ont contribué et c’est difficile de les démêler, car elles font toutes parties de l’expérience d’une randonnée en montagne au Népal. Je me lance tout de même…
Tout d’abord, en soi, le fait d’être dans la nature fait effet. L’air est pur, pas d’autos, pas de motos, en fait, pas de moteurs. Souvent, lorsque je m’arrête sur le sentier, pas un bruit. Le calme, la paix, la sérénité. Il y a beaucoup moins de stimuli qu’en ville, donc plus de place pour se poser doucement et se laisser bercer. De plus, il y a peu de gens qui font ce trek à ce moment de l’année, donc je baigne dans un espace de grande tranquillité. Mon esprit s’apaise et je me satisfais pleinement d’être là où je suis plutôt que de me demander ce que je ferai dans quelques minutes, dans quelques heures ou même dans quelques mois.

Puis le paysage. Vaste, grandiose, inspirant. La montagne attire le regard vers le haut. Je me sens littéralement soulevé. Mon corps est léger malgré la fatigue et les 12 kilos que je porte sur le dos. Il y a de l’horizon, du ciel. Je peux, plus souvent qu’autrement, voir loin. La bordée de neige accentue l’effet de la lumière à cette altitude et tout est resplendissant. L’effet sur le moral se fait sentir. Je dois me pincer pour me rappeler à quel point je suis chanceux d’être ici.

Et puis, il y a le rythme de la marche. Il y a, pour moi, quelque chose d’essentiel dans une longue randonnée. Parcourir un chemin de nombreuses journées, ça se vit à la fois dans le corps, dans la tête et dans l’âme. Plus encore, il y a, dans le fait de déambuler à la vitesse de ses pas, quelque chose de pure et de rassurant qui permet de goûter intensément chaque moment.

Les métaphores avec la Vie sont peut-être faciles et peu originales, mais ça ne les rend pas moins vraies.
Qu’il fasse beau ou moins beau, que le sentier soit facile ou difficile, que je sois fatigué ou pas, il me suffit, une fois la direction choisie, de mettre un pied devant l’autre. Je ne me pose plus de questions, il n’y a plus de doutes, il n’y a que le plaisir d’avoir choisi, et de suivre, sa voie.
Quand il fait beau, je savoure. Je prends le temps de m’arrêter, de respirer et de regarder, et il monte en moi un sentiment de plénitude et de gratitude.
Quand le temps est moins clément, je baisse la tête, et je continue de mettre un pied devant l’autre. C’est futile de pester contre le mauvais temps, ça ne fait que rendre l’expérience plus difficile. Il n’y a qu’à l’accepter et à poursuivre sa route avec détermination. Il n'existe rien de constant si ce n'est le changement disait Bouddha. L’acceptation de cette grande vérité est plus facile dans la nature. Ça se sent dans les trippes.

Durant cette marche j’ai (re)trouvé mon rythme. L’objectif final existe, mais il est loin. Il n’y a pas de temps défini pour franchir les étapes. Il n’y a donc pas d’obligation de résultat pour aujourd’hui outre peut-être celui d’être présent. En fait, même l’objectif final, ce n’est qu’un prétexte, une orientation qui permet d’entamer le mouvement. Il importe relativement peu si je me rends où pas, il n’y a que la route. Ayant cette perspective, je ne mesure pas la distance parcourue ni celle qu’il me reste à parcourir. Je n’ai pas hâte d’arriver car je suis submergé par car ce que je vis, ici et maintenant. La marche devient en sorte une méditation active.

Et elle est active. Il ne faudrait pas que je vous donne l’impression qu’une telle randonnée ne demande pas un effort physique soutenu. C’est quand même de nombreuses heures de marche par jour, plus de 3000 mètres de montée (et de descente…) et un confort rudimentaire. Cet effort est en fait directement lié au sentiment de bien-être. Selon Wikipédia, « les endorphines, ou endomorphines, sont des composés opioïdes peptidiques endogènes. Elles sont secrétées par l'hypophyse et l'hypothalamus chez les vertébrés lors d'activité physique intense, excitation, douleur et orgasme. Elles ressemblent aux opiacés par leur capacité analgésique et à procurer une sensation de bien-être ». Il paraît que la quantité d'endorphines augmente pendant l'exercice et atteint cinq fois les valeurs de repos, 30 à 45 minutes après l'arrêt de l'effort et que les sports d'endurance sont les plus endorphinogènes. Mens sana in corpore sano disaient les romains.

Voilà donc en quelques lignes les mots qui me viennent pour décrire l’expérience. Reste que comme pour toute expérience, les mots nous manquent pour décrire le ressenti, et c’est bien ainsi car il faut le faire pour le vivre. Sur ce, je prépare ma prochaine randonnée. D’ici quelques jours je pars pour le circuit de l’Annapurna avec mon fils Alexis qui vient de me rejoindre il y a quelques jours.



OOOOOOOOoooooooommmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmm!!!

1 commentaire:

  1. Et oui, c'est bien notre problème à nous citadins pressés d'Occident! On ne connaît plus cette nature. nous visons inondés dans cette avalanche d'informations en permanence, courriels, téléphones, agendas, vite, vite...

    Et nous sommes tous à le vivre et le ressentir ce rythme malsain. Mais pourtant le choix est là, à chaque instant. Le choix de ralentir, de changer de rythme pour un temps, d'accélérer pour un autre temps.

    Ainsi de plus en plus de gens s'ouvrent à cette méditation. Que ce soit à travers la marche, le yoga, le vélo. Même la cuisine et le repas seront support à la méditation.

    J'aime bien cette description que tu nous offres de l'esprit de la montagne. C'est vrai qu'il se dégage une force immense de ces paysages. L'homme est forcement remis à sa place, nous sommes minuscules, si fragiles. C'est de là que nous venons mais notre société a choisi de nous en sortir.

    Mais comme le pas constant qui amènera un paysage différent à chaque détour, le changement de société n'est même pas une hypothèse. C'est une permanence.

    Bonne continuation Richard!

    Ciao

    Emmanuel

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