lundi 15 août 2011

Épilogue

Pis,… c’était comment ton année sabbatique? En voilà une question. Je suis tenté d’y aller de la réponse courte : Merveilleux, et de passer à un autre sujet. Car comment résumer 14 mois de vie en quelques phrases? Le plus facile c’est de s’en tenir au factuel. Je répondrais donc que sur les 14 mois, j’en ai passé 11 en voyage, soit sept mois en Inde, trois mois au Népal, un mois à Bali et un petit saut d’une semaine en Allemagne. Ensuite je ferais la liste des régions et des principales villes visitées, j’énumérerais les activités réalisées et je finirais avec quelques anecdotes choisies pour épicer un peu le tout.

Ou alors j’insisterais sur le fait que je suis chanceux d’avoir pu vivre une telle expérience. Liberté, exotisme, aventures, découvertes, la vie idéale quoi. Il serait de toute évidence malvenu de me plaindre, d’insinuer ne pas avoir su en retirer le maximum, ou de ne pas avoir vécu sur un high pendant tout ce temps. Sacrilège! Pendant ce temps, chez nous, le commun des mortels a du se taper un an de boulot, un an de responsabilités, d’entretien de la maison et des objets qui meublent nos vies occidentales, sans parler du traffic, des nids de poule, du prix du gaz qui augmente, de l’élimination du Canadien de la réélection de Harper. Alors faut pas faire chier…

Vrai. Mais pas si simple. Des highs, il y en a eu plein. Parlons-en donc.

Tout d’abord la nature. En haut de la liste, les magnifiques montagnes de l’Himalaya. Vous aurez lu mes chroniques sur les randonnées au Népal et au Ladakh. Je n’en rajouterai pas ici, tout a été dit. Transcendant comme expérience. Et la nature m’a gâtée. Les levers de lune au Spiti, les forêts de conifères près de Manali, la beauté du Ganges à Rishikesh, le paysage désertique du Rajasthan, les couchers de soleil de Goa, les sculptures naturelles de pierre à Hampi, les vastes plantations de thé à Munnar, les bancs de poisson au large de Bali, les terrasses de riz un peu partout, et j’en passe. Ce temps passé en nature, m’a bercé, m’a apaisé. La beauté, le calme, la force tranquille, le silence. Un rappel que nous ne sommes que de passage, et que nous nous donnons beaucoup, mais vraiment beaucoup trop d’importance. Un rappel aussi que quand la vie (re)deviendra effrénée, car ce sera assurément le cas, je saurai qu’un bain de nature saura toujours me ressourcer.

Ensuite, les gens. Que de rencontres avec l’autre. D’abord, des gens de la place. Des hôteliers, des serveurs de restaurant, des guides, mais aussi des compagnons de train ou d’autobus, et les très nombreux gens rencontrés au hasard des balades. La simplicité et l’ouverture auront été de tous les rendez-vous. J’aurai été accueilli, on m’aura gentiment aidé et j’en aurai entendu des histoires de vie. Et j’aurai compris, une fois de plus, pourquoi on nous envie tant, nous les occidentaux. C’est simple. Nous avons, dans bien des cas, tellement plus de sécurité, et d’options qu’eux. Assurance-maladie, assurance-chômage, éducation à prix modique, salaire minimum, logements subventionnés… Certains d’entre nous peuvent même prendre un an de congé et voyager à l'autre bout de la planète.

Et des co-voyageurs. À l’époque, il y avait des Nord Américains, des Australiens et des Néo-Zélandais, des Européens de l’ouest et une poignée d’Israéliens et de Japonais. Cette fois, des Brésiliens, des Argentins, des Sud Africains, une foule d’Européens de l’Est (Polonais, Tchèques, Hongrois, Russes, Ukrainiens, Slovènes, Croates, pour n’en nommer que quelques uns), des milliers d’Israéliens, des Asiatiques (toujours les Japonais, mais aussi des Coréens, des Chinois, des Thais, des Singapouriens, et de plus en plus d’Indiens), et, en prime, un couple travaillant huit mois par année en Antarctique et une fille des Iles Faroe (sortez vos atlas…). De tous les genres, de tous les statuts. La mondialisation, ça change le monde…

Finalement, la culture. L'entrechoc des traditions et de la modernité est de plus en plus d'actualité. On sent l’influence toujours grandissante de l’Occident. On voit les conséquences insidieuses de la combinaison de l’économie de marché et des images séduisantes du monde de consommation sur les relations sociales. L’érosion de valeurs traditionnelles se fait fortement sentir, particulièrement chez les jeunes. Cela dit, les coutumes ont la couenne dure. La spiritualité est omniprésente. Les temples sont encore pleins et les fêtes religieuses sont respectées. Ici, le libraire bénit sa boutique tous les matins en faisant le tour avec des bâtons d’encens, là, tous les matins les gens font des offrandes à des statuettes dans leur jardin, ailleurs, l’autobus fait un détour pour contourner une stupa. Et les vaches continuent d’errer dans les rues. Ce n’est pas toujours ce qu’il y a de plus efficace pour le fonctionnement d’une société, mais Dieu que c’est coloré et vivant. Vivement un peu de fantaisie dans nos vies; c’est bon pour ce qu’on a… Et la bouffe : les fruits exotiques, les fruits de mer, les sauces, les herbes, les épices… miam, je me suis régalé.

Et j’ai apprécié... Beaucoup... Vraiment...

Mais pas tout le temps.

Entre vous et moi, un an, c’est long pour rester sur un high. À un moment donné, on n’est plus en vacances. Et ce qui ce passe autour de nous, ce n’est pas toujours rose. Des fois, il ne fait pas beau. Des fois, il pleut 15 jours de file. Des fois, le coucher de soleil, tant vanté, reste caché derrière les nuages. Des fois, la cinquième journée de file, on ne le regarde même plus, car il est nettement moins beau qu’avant-hier ou qu’à Varkala le mois dernier.

Des fois, pus capable d’entendre des histoires de vie difficile ou d’expliquer à quel point il fait froid au Canada. Des fois, pus envie de répéter les mêmes tirades… Where you from? Where you going? How was Delhi? How was Madurai? What trek did you do? You did it in 28 days? I did it in 13! Des fois, pus envie de recommencer à zéro avec un nouveau groupe.


Des fois, pas envie d’attendre à la porte de la boutique parce que fermée, parce que parti prier. Des fois, l’odeur dans le resto me lève le cœur. Des fois, la bouffe est pas bonne et des fois, j’ai juste pus envie d’aller au resto. Des fois, pris dans la circulation pendant deux heures, ça semble tellement évident qu’un peu d’ordre et de règles claires c’est mieux. Des fois, les vaches dans les rues, c’est juste stupide.

Pis des fois, quand la santé est pas tout à fait au rendez-vous, pis qu’on est seul dans sa chambre, pis qu’on vient de se séparer d’un groupe de gens l’fun, pis qu’il pleut, pis qu’il n’y a pas d’électricité, ben là, on peut avoir le caquet bas. Et ça arrive. Sur un an, des journées, il y en a des magnifiques et il y en a d’autres nettement plus difficiles. Alors vous me pardonnerez de vous avouer que je ne marchais pas sur un nuage tous les jours.

Alors quoi conclure sur tout ça… Que rien n’est tout blanc ni tout noir. Que la vie est complexe et imprévisible, et que d’essayer de résumer nos expériences en quelques phrases, c’est trop réducteur pour en capturer l’essence.

S’il n’y a rien à conclure, ça ne veut pas dire que je n’en ai rien retiré comme leçon. La première, c’est qu’il n`y a pas de bon choix, ni de mauvais. Il y a des choix, toujours des choix, et il faut vivre avec les conséquences de ceux-ci. Vaut mieux donc faire avec que pester contre. La seconde, qui découle de la première, c’est qu’il vaut mieux faire ce qu’on a envie de faire. Je l’aime bien celle-là, alors je vous invite à passer à l’action. Faites ce que vous avez envie de faire. Pour le vrai. Prenez le temps d’y penser. Demandez-vous ce que vous auriez toujours aimé faire et faites-le. Les regrets, c’est moche, donc allez-y. Cela dit, un mot de précaution. Ce ne sera pas nécessairement plus facile, ni plus rose, que ce que vous faisiez avant, du moins pas tous les jours. Vous aurez cependant le sentiment d’avoir un certain contrôle sur votre vie, et ça c’est précieux.

Enfin, la plus importante leçon pour moi, c’est que le bonheur, le vrai, le durable, ne peut venir que de l’intérieur. Pour le reste, tout est éphémère. Le plaisir, par définition, ça passe et on est vite face à une autre page blanche. Le seul contrôle qu’on a c’est sur comment on voit les choses. On a beau changer tout ce qu’on veut de nos circonstances de vie, tout est fonction de notre perception. Je me suis donc mis à méditer au cours de ce dernier mois. Pas facile, mais la prochaine fois qu’on se voit, demandez-moi si je maintiens ma pratique, ça me motivera. Si je ne peux intégrer concrètement dans ma vie qu’une seule chose de ce grand périple, je souhaite que ce soit celle-là.

Sur ce, je termine cette dernière entée du blogue Sabbatique Asie. Je vous remercie tous de m’avoir encouragé à réaliser ce grand projet et de m’avoir accompagné tout au long du périple. J’espère que vous avez pris autant de plaisir à me lire que j’en ai eu à écrire ces nombreux feuillets. Soyez sages, juste assez, pas trop, et restez fidèles à vos inspirations les plus nobles.

Allez, bonne route!


If it is not true and not helpful, don't say it.
If it is true but not helpful don't say it,
If it is not true but helpful, don't say it,
If it is both true and helpful, choose the right time.


Bouddha




1 commentaire:

  1. Ton blog est vraiment bien :)
    Merci de nous faire partager tes experiences.

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