jeudi 11 août 2011

Incredible India

Je vous avais promis un texte au sujet de l’Inde. Après avoir tergiversé et procrastiné amplement, le voici donc. Difficile de s’attaquer à un sujet si vaste et si complexe. Cela dit, chose promise chose due. Et comme cette année sabbatique tire à sa fin, il n’est plus question de reporter la chose. Alors je me lance…

Les clichés abondent : il n’y a pas qu’une seule Inde, mais plusieurs - c’est un pays de contrastes - rien ne nous prépare pour l’Inde - c’est le chaos organisé - un assaut sur les sens… Tout cela est vrai. L’Inde est en fait la quintessence de l'Asie, voire même du voyage avec un grand V. Les gens qui y séjournent parlent souvent d’une relation amour/haine. Voyager en Inde c’est exigeant et il faut travailler fort, mais il y a de nombreuses récompenses. Difficile d’y voyager, mais en même temps, il existe plusieurs avantages en comparaison avec d’autres pays : on y parle l’anglais, c’est culturellement et historiquement fascinant, le réseau de transport est étendu, le coût de la vie est vraiment peu élevé et le dépaysement est omniprésent. Il est cependant recommandé d’y aller doucement et de prendre son temps. C'est vraiment l'un des rares endroits sur la planète où on peut encore se taper un sérieux choc culturel et une surcharge des sens. L'Inde est tellement, tellement, tellement… tout…, qu’il est presque impossible d'en faire un résumé. Mais encore? … Et si on commençait par quelques statistiques.

7e plus grand pays au monde, 2e en population avec plus de 1,2 milliards d’habitants. 315 millions d’urbains, deux des plus grandes villes au monde, Delhi et Mumbai (environ 20 millions chacune). Ceci dit, seulement 28% des indiens vivent en milieu urbain. Ce faible taux d’urbanisation place l’Inde au 177e rang mondial dans cette catégorie.


Pays émergeant au niveau économique, l’Inde se classe 10e au monde en matière de PNB, mais 125e au niveau du PNB par habitant. 41% des pauvres du monde y habitent et 18% des enfants ont un poids inférieur à la norme, le plaçant 1er au monde dans les deux cas. On y pratique 596 000 avortements par année, 3e au monde après la Russie et les États-Unis(!) et l’espérance de vie n’est que de 63.5 ans, 128e au classement mondial.

Bien que 80% des Indiens sont Hindouistes, le pays est un pot-pourri de religions et de croyances. Lieu de naissance de quatre grandes « religions », soit l’Hindouisme, le Bouddhisme, le Jainisme et le Sikhisme, l’Inde compte 138 millions de Musulmans, 3e au monde, après le Pakistan et l’Indonésie. On dénombre plus de 3000 castes et sous-castes, dont 160 millions de Dalits, les soit disant intouchables.

Ça nous dit quoi tout ça? Je vous avais dit que c’était complexe… Alors, y a-t-il quelque chose qui résume le tout, du moins pour le voyageur? Eh bien, pour le voyageur, la seule constante semble être que vous vous sentirez comme si tous vos sens sont agressés. En fait, il est difficile de comprendre et d'expliquer pourquoi au juste, un pays où il ya tant de saleté, où il peut faire une chaleur accablante, où les villes sont souvent moches et où on peut se faire harceler comme pas ailleurs, exerce une telle attraction. Paradoxalement, la réponse se trouve dans le fait qu’on peut se retrouver à des endroits d’une grande beauté, où on rencontre des gens d’une gentillesse et d’une générosité hors du commun et surtout, surtout, où il se dégage une énergie si forte et si intense qu’il est impossible de ne pas être interpellé. Il n’y a juste pas moyen, mais vraiment pas, de rester indifférent.

Pour ma part, j’y ai vécu des grands moments de voyage. J’en ai relaté plusieurs dans mes chroniques précédentes. L’aventure toujours renouvelée des transports dans les régions montagneuses, les temples bouddhistes du Ladakh, et hindouistes du Sud (dont le spectaculaire temple de Madurai), les champs de thé de Munnar, les ruines de Hampi, les paysages grandioses de l’Himalaya, et j’en passe. Mais ce qui frappe le plus, c’est le chaos du quotidien. On n’a qu’à mettre un pied dans la rue pour être englouti dans un flot de piétons, d’autos, de vélos, des charrettes de tout genre, de chiens et de vaches qui déferle, de façon organique et spectaculairement inefficace, dans toutes les directions à la fois. Illogique, incompréhensible, et complètement frustrant pour ceux et celles qui prisent un fonctionnement de société un tant soit peu ordonné. Le resto, les commerces, c’est pareil. Les trains, les autobus, ben aussi! Faut s’y faire.

Plus encore, il y a le contraste entre la quantité de règles et de procédures, legs de l’empire britannique, et l’application tout à fait arbitraire de ces règles. On en vient tranquillement à comprendre qu’il y a un fonctionnement parallèle, en fait de nombreux fonctionnements parallèles, où favoritisme, corruption et simple abus de petit pouvoir, créent, à l’image des dédales de rues dans les vieilles villes, des raccourcis pour se rendre où on veut aller ou obtenir ce qu’on veut (voir le texte Permis et bureaucratie 9 août 2010). S’y aventurer peut être à la fois fascinant et frustrant, mais pour vivre l’expérience indienne il faut s’y lancer. Vaut mieux être armé de patience parce que ça ne va pas de soi qu’on empruntera le chemin le plus court.

Cela étant dit si comme moi (et des milliers d'autres) suite à votre votre premier voyage il vous reste une sensation de frustration, ou même d’exaspération, après un certain temps vous vous souviendrez probablement de votre visite avec émotion et ne soyez pas surpris si, un jour, vous vous y retrouvez à nouveau. L’Inde a quelque chose d’addictif, et à un moment donné, on a besoin d’une autre dose car voyager ailleurs peut facilement paraître un peu fade en comparaison.

En bref, je conseille aux gens d’y aller, en prenant les précautions suivantes: se laisser du temps, ne pas prévoir un trajet trop ambitieux, choisir un moment de l’année où il ne fait pas trop chaud et se rappeler que bien que l'Inde peut être très bon marché, ce sera toujours un peu plus cher pour un voyageur, Dernier conseil, laissez-vous porter et attendez quelques mois après le retour avant de poser un jugement sur l’expérience vécue. Il est à noter que les zones du sud comme Goa et le Kerala sont nettement moins stressantes que les grandes villes du nord et en particulier la route touristique Rajasthan/Agra/Delhi. Finalement, si vous avez beaucoup de temps, et que vous souhaitez un petit sursis, considérez faire un petit saut au Népal; ça calme les esprits. Attention cependant, aux dernières nouvelles, même si vous avez un visa à entrées multiples, il se peut qu’on exige que vous restiez deux mois à l’extérieur de l’Inde avant de pouvoir retourner. Ne cherchez pas d’explication. À la question « Yes, but why? », on vous répondra probablement d’un hochement de tête et avec un grand sourire «This is India »...

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