dimanche 12 septembre 2010

La route de Dha Hanu

Le transport routier dans les montagnes, c’est jamais très facile. Cette année, avec la pluie abondante qu’il y a eu dans le Nord de l’Inde, c’est vraiment pas une sinécure. Après les aléas dans la vallée du Spiti, les trois passages pénibles du col de Roatang et les 30 heures de route entre Manali et Leh, j’ai trouvé moyen de faire encore mieux. Et pourtant…


J’ai décidé de quitter Leh pour me rendre dans la région de Hanu, ou vivent les Brokpa, un peuple aux traits aryens, des descendants, spécule-t-on, des envahisseurs accompagnant Alexandre le Grand, à quelques dizaines de kilomètres seulement de la frontière du Pakistan. Il y a un bus qui part tous les matins à 9 heures et qui doit arriver à Dha à 15 heures. Parfait. Je me rends à la gare routière à 8h30. Je place mon sac sur le toit et entre dans le bus. Première surprise, tous les sièges sont pris. Je réussis tout de même à me faufiler sur un coin de banquette à côté du chauffeur, mais pas vraiment de place pour mes jambes. J’opte donc pour une position semi-lotus, en me disant que j’aurai une meilleure place dans une heure ou deux quand quelques passagers arriveront à destination.

Deuxième surprise, le bus arrête quatre fois dans les deux premiers kilomètres pour prendre de nouveaux passagers. C’est maintenant plein à craquer, y’en a même deux ou trois qui pendent dans le cadre de la porte, restée ouverte. On va avoir du fun… Deux heures plus tard, on a franchi environ 40 kilomètres des 160 nous séparant de Dha, et voilà qu’on arrête pour le petit déjeuner. Bon, j’avais cru qu’un départ à 9heures voulait dire qu’on mangeait avant de partir (ce que j’ai fait), mais non, troisième surprise. Je me dis qu’on n’est pas pressé après tout, on a toute la journée.

L’autobus est tout aussi bondé, mais on a profité de l’arrêt pour me gruger encore quelques pouces. Heureusement que je ne suis pas gros, mais je sens bien que je suis moins souple que j’étais. Le paysage est magnifique, et comme je suis pratiquement collé sur la vitrine avant, j’en profite pour prendre quelques photos, ce qui amuse bien mes co-voyageurs (je suis le seul touriste à bord…). On roule comme ça un bon trois heures, et voilà qu’on arrête de nouveau, cette fois pour le lunch. Le village n’est qu’un carrefour sans âme, et la nourriture est à l’image du village.

On repart à 14 heures 30 et on n’a pas encore franchi la moitié du trajet. Je commence à penser qu’on n’arrivera pas à l’heure prévue. Certains bouts de route sont cependant bien pavés, et on prend de la vitesse; on doit faire du 40 km/heure! Tout semble aller pour le mieux jusqu’à ce que… quatrième surprise, la route est bloquée. Un pont a été emporté par les inondations du début août et un camion citerne est pris dans le pont de roches qu’on a temporairement mis en place pour franchir les 10 mètres séparant les deux rives. Ce n’est pas tout. Un petit pick-up, ne reculant devant rien, a tenté de doubler le camion citerne immobilisé. Erreur! Voilà donc deux véhicules pris dans les roches. Bravo!

Comme lors des autres blocages de route, c’est le même scénario que se répète. Chacun y va de ses conseils et personne (ou presque) ne lève le petit doigt. Après une heure de gossage, voilà qu’apparaît une remorque de l’armée. Yé, on est sauvé! Pas si vite Richard… Ils ont une remorque, mais on dirait que c’est la première fois qu’ils s’en servent. Et puis, c’est pas parce que c’est l’armée qu’on sait qui donne les ordres. On est en Inde après tout. C’est donc le chaos, comme il se doit. Le spectacle est passionnant, mais un peu longuet. Ils finissent par y arriver, et les premiers véhicules passent sans problème. Vous l’aurez deviné, lorsque vient le tour de notre autobus, celui-ci s’embourbe, s’enfonce et s’en est fait, il est pris à son tour. Je vous fais grâce des nombreuses techniques qu’ont utilisé les vaillant soldats pour tenter de résoudre le problème de façon à ce que nous puissions continuer notre route, mais en vain. Finalement, l’autobus est remorqué, mais du même côté d’où on arrivait. Et nous on fait quoi? Plus précisément, moi je fais quoi?



C’est alors que j’aperçois (je ne compte plus les surprises) une dame portant une casquette du Canadien de Montréal. Non, non, je ne vous niaise pas. Elle est canadienne, et travaille pour une ONG locale depuis plusieurs années, passant huit mois par année dans les villages du coin. Elle a tout d’une locale (sauf la casquette) et parle couramment le Ladakhi. Elle m’explique que les gens organiseront des navettes avec les camionnettes sur place. Je lui demande son avis et elle me suggère de prendre un véhicule pour Biama, le village avant Dha puisqu’il commence à faire nuit. Il y a là un guesthouse qui pourra m’héberger. Elle-même ne va pas aussi loin, donc nous prenons deux camionnettes différentes.

Le temps d’organiser le tout, il fait effectivement nuit. Le ciel est magnifique, mais mon niveau de confiance un peu moins. Enfin, j’embarque dans une camionnette et me dit que (maintenant) tout se passera comme prévu… When will I learn

Nous roulons une petite demi-heure, et voilà qu’on m’indique que je suis rendu à bon port. Je demande où on est, et on me répond « Dha ». Ah bon, je croyais que je devais arrêter à Biama!? Et le guesthouse dis-je d’un ton que je souhaiterais pas trop nerveux. Suis cette dame locale me répond-on, du moins c’est ce que je comprends. OK, je ne suis pas dans une position pour négocier grand chose. J’aperçois donc la dame qui commence à grimper dans un sentier rocailleux plus ou moins bien défini. How far ? Not far. Et c’est parti.

Avec mon gros sac mal attaché, mon petit sac pendant au cou, ma lampe de poche à la main (oui, oui, je devrais avoir une frontale) je tente tant bien que mal de suivre la dame qui gambade comme une chèvre de montagne sur le sentier qui monte de plus en plus à pic. Après 10 minutes, je dois me rendre à l’évidence, je ne suis pas capable de suivre la cadence. J’arrête et lui offre une panoplie d’excuses pour justifier mon état. Après un arrêt trop bref, elle s’empare de mon petit sac et me somme de la suivre. Si je ne m’amusais pas avant, là je ne m’amuse plus, mais plus du tout. Le sentier est parsemé de roches et ça devient de la grimpette. Je dois utiliser mes mains, mes genoux, et tenir ma lampe de poche dans ma bouche, ce qui n’aide en rien à respirer adéquatement (je sais, la frontale…).

Finalement, on arrive à une maison. La dame me fait signe d’attendre et elle disparaît à l’intérieur. En d’autres temps, j’aurais été inquiet. À ce moment précis, je suis trop exténué pour réagir. Je tousse, je crache et je contemple distraitement les étoiles jusqu’à ce qu’un jeune homme sorte de la maison et met dit de le suivre. Merde, on n’est pas encore rendu. Le sentier est maintenant plat, mais le jeune homme ne compte pas perdre de temps. Je le suis comme je peux et en cinq longues minutes, on atteint l’endroit tant espéré. Le jeune homme cogne à la porte et finit par réveiller les habitants qui ouvrent et m’offrent le gîte. Il est 22 heures, je n’ai pas mangé depuis le lunch, mais pas question de faire autre chose que d’enlever mes vêtements trempés de sueur et m’affaisser sur le lit. À 22 heures 15, je dors.

Je me réveille à 9 heures 30 le lendemain matin, fatigué, mais soulagé. Le village est coquet, il y a des fleurs partout, les gens sont gentils, et les femmes âgées portant des coiffes pour le moins originales. Je prends une marche dans l’après-midi et je me rends à Biama pour voir le guesthouse où on aurait dû me déposer. Dernière surprise, le village a été ravagé par les inondations du début août et le guesthouse en question n’est plus. L’aventure aura donc bien finit. Deux mois d’aventures, ça commence à être du stock. Au fait, ce n’est pas du repos que je cherchais? Il est peut-être temps de faire le point… À suivre…

1 commentaire:

  1. Bonjour Richard,
    Merci beaucoup......
    C'est vraiment intéressant d'avoir lire votre rédaction sur le voyage en Inde. Vous êtes tellement gentil. Je crois qu'il n'est pas facile d'écrire un long texte comme ça.

    Et encore une fois, je vous remercie et je vous souhaite passer une bonne séjours la toujours.

    Salutation,

    Makara

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